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Le dopage des cadres
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Le dopage des cadres

ou comment s'auto-saboter en moins de temps qu'il ne faut pour le dire...

Aujourd'hui, je vais vous parler d'un sujet un peu délicat, dans la mesure où il y a une espèce d'omerta et de déni autour de ce problème-là.

Ce dont je vais vous parler, c'est de dopage des cadres. Effectivement, il y a une situation alarmante en milieu de travail, puisque les comportements d'addiction sont une réponse toxique au stress en milieu de travail.

Une récente étude a montré une aggravation conséquente de l'usage de substances dites psychotropes, comme l'alcool, les stupéfiants et les médicaments et qui consiste vraisemblablement à faire face au stress et aux angoisses en milieu de travail.

Aucun secteur d'activité n'est épargné par l'usage de ces substances psycho actives et les entreprises semblent exprimer un déni à propos de ce comportement de dopage, déni qui n'a d'égal que le développement des dépendances, de l'addiction, à propos desquelles de plus en plus de femmes sont concernées et victimes.

Alors que faire et comment faire pour limiter la casse, sachant que ces cadres s'obligent à satisfaire des injonctions paradoxales d'une part et ont toutes les peines du monde à s'affirmer d'autre part ?

Que faire quand, de façon croissante, les salariés ont recours au dopage pour tenir la distance ?

3 types de substances pour se doper

La première, ce sont les psychostimulants, c'est-à-dire l'alcool et la cocaïne, que l'on appelle communément la coke.

Ensuite, viennent les psychodépresseurs, comme l'héroïne et le crack.

Enfin, les hallucinogènes, comme les champignons hallucinogènes, le crack et le cannabis, que l'on connaît aussi sous le nom de teuch, chichon, beu, l'herbe et j'en passe.

Il y a une dizaine d'années, il était convenu que la France comptait :

  • Environ 800 000 héroïnomanes,

  • 3,5 millions de pharmaco dépendants, ce qui est un record mondial,

  • et 5 millions de malades alcooliques.

Ce dernier chiffre ne varie pas depuis plus de 30 ans, ce qui est quand même assez inquiétant puisque cela signifie que les jeunes remplacent les personnes plus âgées.

A ce jour, si l'usage d'héroïne semble avoir diminué, la cocaïne a supplanté bien des psycho stimulants comme par exemple l'alcool, lequel est d'ailleurs souvent consommé avec de la coke.

Aucune statistique ne permet de préciser le nombre de cocaïnomanes en France. Ces chiffres semblent être en constante augmentation et plus aucune sphère sociale ou professionnelle n'est épargnée.

Dopage des cadres : une opportunité sociale et culturelle

Une substance psychoactive est considérée comme telle à compter du moment où les conséquences de son usage modifient le comportement, puisque chacun de ces psychotropes agit sur le système nerveux central, le cerveau, et en modifie les paramètres.

De fait, les usagers n'ont plus conscience de leurs limites et prennent des risques pour s'affirmer ou supporter l'insupportable. Alors, il y a bien évidemment un certain nombre de motivations à l'usage de ces substances psychotropes.

Il est coutume de dire que l'usage de substances psycho actives est une question d'opportunités sociales et culturelles. N'importe qui n'utilise pas n'importe quoi comme substance de dopage.

Cela signifie que c'est en fonction dans son environnement social, affectif ou culturel que l'on consomme une substance ou une autre. Mais c'est aussi en fonction de ses objectifs, ce à quoi l'on désire échapper ou ce vers quoi l'on tend, que l'on utilise une substance plutôt qu'une autre.

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Ainsi, pour se désinhiber, l'alcool ou le cocaïne sont plus indiqués, si je puis m'exprimer ainsi, puisqu'à chaque objectif, il y a sa méthode de dopage.

Dans le cas où l'on souhaiterait plutôt échapper à une réalité qui fait souffrir, et sans que l'on soit préoccupé par des questions de production, puisque, éventuellement, la personne concernée ne travaille pas, les psycho dépresseurs comme l'héroïne ou le crack sont plus majoritairement utilisés.

Chaque substance a donc ses effets qui justifient le dopage des uns comme des autres.

dopage des cadress : stress et angoisses
Le stress et l’angoisse sont des facteurs aggravants du dopage des cadres

Alcool et médicaments

En milieu de travail, il est beaucoup plus habituel de consommer de l'alcool et ou de la cocaïne.

Mais il est tout autant d'usage de consommer des médicaments comme des anxiolytiques, des antidépresseurs ou des neuroleptiques, sachant que tout comme l'alcool, ces médicaments sont légaux.

Les stupéfiants

Comme vous le savez sans doute, l'usage de stupéfiants contrevient à la loi.

Sans nier la réalité des conséquences psychosociales issues de l'usage de ces substances psychoactives, la difficulté n'est pas nécessairement l'usage en soi, mais bien plus le risque induit de dépendance issu de ces comportements de dopage.

Dopage des cadres : l’histoire de Claire

Je me souviens de Claire, cadre dans une compagnie d'assurance, qui avait des responsabilités écrasantes.

Elle passait ses journées en réunion, en entretien individuel avec ses subordonnés, en réponses circonstanciées de mails urgents, en plus des mails qu'elle recevait chaque soir et auxquels elle voulait répondre impérativement, quasi immédiatement.

A l'époque, Claire a le sentiment d'être en danger et pense que si elle ne satisfait pas toutes les injonctions qui la concernent en sa qualité de directrice de département, d'aucuns lui raviront sa place sans vergogne.

Elle commence à souffrir de problèmes d'endormissement puis d'angoisse nocturne. Sa vie professionnelle est un stress constant.

Elle est proche du burn-out et l'anxiété finit par céder le pas aux angoisses récurrentes.

Après avoir consulté son médecin traitant, elle commence à utiliser des somnifères puis des anxiolytiques. Jusqu'au jour où la pression étant trop forte, les angoisses trop vives, elle prend un comprimé puis un autre. Sa douleur psychique initie le dopage dont elle n'a aucune conscience.

Les jours passent jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'elle a consommé bien plus de médicaments que la prescription médicale. Du coup, les prémisses du dopage sont actés.

Les semaines et les mois passent jusqu'à ce que cette jeune femme tombe en dépression :

Autant de problèmes qui font qu'un jour Claire est hospitalisée puisqu'elle finit par prendre acte de la nécessité d'agir.

Encore fragilisée, elle reprend pied petit à petit tout en se rendant compte de la façon dont elle a participé à ses propres difficultés puisque ses comportements d'addictions ont fait d'elle une victime, une victime d'elle-même.

Son employeur a fini par nommer quelqu'un d'autre à son poste. Claire est toujours employée dans cette compagnie, mais n'envisage pas d'y retourner, de peur de retomber dans le même cycle de stress et de dopage.

J'ai contacté l'employeur de Claire pour mettre en place, avec la médecine du travail, un retour progressif à la fonction, au poste.

Ne pouvant s'y opposer, l'employeur m'a quand même fait savoir qu'effectivement, oui, il le fallait, mais que Claire, je cite : « ...ne poussait pas non plus les wagonnets au fond de la mine... ».

Marc, chef d’entreprise et cocaïnomane

Marc est un chef d'entreprise de 52 ans, cocaïnomane. Enfin, était…

Quand il vient me consulter la première fois, je le vois arriver au volant de sa voiture de sport, une voiture de luxe. Une autre fois, je le verrai en 4x4, de luxe lui aussi.

Marc est un homme qui a réussi. Il a une entreprise prospère, plus de 60 employés, des clients prestigieux et il travaille 15 heures par jour.

Pour autant, il est malheureux, triste et abattu mais, me dit-il, il doit tenir ! Comment ? Avec ou sans coke dont il consomme plusieurs grammes par jour. La pression est constante. Chaque jour, Marc doit s'assurer de conserver, voire d'augmenter ses marges bénéficiaires.

Selon son expression, il tire des bordées pour diminuer tous les coûts.

De moins en moins disponible, il a récemment appris que son épouse avait un amant. Il en a profité pour consommer encore plus de coke et aller casser la gueule à son rival, ce qui lui avait lu des ennuis judiciaires en plus de ceux qu'il avait déjà.

Cet homme ne sait plus où il en est et encore moins quel est le sens de sa vie.

Plus il aura recours à la cocaïne d'ailleurs et moins il le saura. En près de dix ans, il dit, je cite : “…avoir l'équivalent d'une Ferrari dans chaque narine…”.

Mlagré un contexte et un environnement toxique pour lui, il exige toujours plus de ses employés comme de lui-même.

Peu importe qu'il faille augmenter l'usage de cocaïne pour ce faire, il pense que réagir de la sorte lui renvoie de lui une image positive, constructive, et il s'énorgueillit encore une fois d'avoir professionnellement réussi.

Mais à quel prix, alors que sa vie personnelle est un échec retentissant ?

Il a dû être hospitalisé quasiment contre son gré, puisque en plus, dans son entourage, personne n'osait rien lui dire à lui, le patron, jusqu'au jour où, hospitalisé justement, certains sont tombés de haut.

Ils n'imaginaient pas que leur mentor avait recours à des substances psychoactives.

Marc a voulu reprendre ses activités dès sa sortie de l'hôpital, ce qui a bien évidemment eu pour effet de précipiter sa rechute.

Surmené, épuisé, il a fini exsangue et a de nouveau accepté d'être admis dans un centre spécialisé où il a séjourné deux mois.

Quelques semaines après sa sortie de ce centre, il a mis son entreprise en vente et depuis, il cultive son jardin.

J'espère que ce n'est pas pour lui une autre forme de dopage lui qui est passé à un fil de la catastrophe puisqu'il ne voulait pas lâcher prise. Il en faisait une affaire d'orgueil.

Il n'était pas au clair avec ses propres limites dans sa relation aux substances psychoactives, dans cette relation au dopage qui a failli lui coûter la vie.

Cette même vie que d'autres ont perdu pour satisfaire à des exigences toujours plus fortes alors que ce type de dopage en milieu de travail revêt - presque - un caractère légitime.

N'est-ce pas pour la bonne cause que des gens recourent à ce type de comportement ? En effet, le dopage en milieu de travail est une espèce de course à la performance.

Dans des environnements professionnels de plus en plus concurrentiels, la réponse habituelle consiste à en demander toujours plus.

Afin d'aider l'ensemble des personnels à mieux gérer leur temps, à mieux gérer le stress de sorte à être plus productifs, il est vrai que des formations ou des séminaires ont été et sont encore organisées.

Moins souvent qu'avant la crise économique de septembre 2008, et encore moins depuis la crise de septembre de 2013, des entreprises continuent à offrir ce type de formation à leurs salariés.

Dans le même temps, dans une sorte d'injonction paradoxale, ces mêmes sociétés invitent leurs employés, quel que soit leur statut, à faire ou à donner toujours plus.

Celle ou celui qui défaille est coupable puisque son employeur estime lui avoir donné des moyens et du coup le salarié s'impose de réussir sans tenir compte de ses propres limites.

De fait, la concurrence entre salariés, les commerciaux par exemple, est d'autant plus rude que certaines entreprises n'oublient pas d'officiellement récompenser ses meilleurs éléments et de le faire savoir.

La compétition est devenue un mode de vie. J'en veux pour preuve ce que j'ai vu encore récemment dans une grande entreprise de restauration rapide où il y avait la photo de l'employé du mois.

Les entretiens individuels de fin d'année en stressent plus d'un et pour supporter, pour aller toujours plus loin, certaines personnes utilisent quotidiennement qui des médicaments, qui d'autres substances, qu'elles soient légales ou non. Dans tous les cas, c'est bien de dopage dont il s'agit.

Bien évidemment, cela se déroule sans peu de considération quant aux effets secondaires de ces usages excessifs voire dépendants, alors que les conséquences sont les suivantes :

Dopage des cadres : la loi du silence

La plupart des salariés concernés par un problème de dopage n'osent pas parler de ce qui leur arrive.

Quand ils le font, c'est le plus souvent pour qu'une méthode leur soit offerte pour continuer à travailler plus et sans encombre. Comme s’ils voulaient continuer à s’adonner à leurs addictions sans que cela pose problème ou n’entrave leur activité professionnelle.

In fine, ce qu’ils disent c’est : «…donnez-moi la solution pour continuer sans rien changer…».

Pourquoi voudriez-vous qu'une entreprise ou une institution ne soit pas dans le déni alors que ses propres employés sont dans celui de leur propre réalité quant au dopage ?

Bien sûr, des lois ont été promulguées quant à la prévention ou à la gestion des risques psychosociaux.

A ce sujet, à diverses reprise, j'ai été mandaté pour pratiquer des audits liés aux risques psychosociaux et, à chaque fois, force m'a été donnée de constater que, quelles que furent mes recommandations, il y avait toujours une bonne raison pour ne rien changer.

Aucune prémisse de prise de conscience n'a été suivie ni dans les actes ni dans les faits. Pourquoi ?

dopage des cadres : les risques psychosociaux
Dopage des cadres et risques psychosociaux

Dopage des cadres : une résistance au changement

Pourquoi s’exerce t’il une telle résistance au changement en matière de dopage des cadres ?

Sans doute parce que du côté des employeurs comme de celui des employés, des peurs se sont installées quant aux conséquences de changements structurels ou comportementaux.

Un milieu de travail a sa culture et ne souhaite pas, ni n'accepte, l'augure que des individualités modifient ses paramètres. Pour ce faire, chacun s'appuie avec force sur les questions d'intimité, de choix personnel, de choix adulte et responsable.

Autant d’éléments qui, vous en conviendrez, relève de la plus parfaite mauvaise foi. Dopage et intimité font un cruel binôme, un peu comme à propos du harcèlement moral ou sexuel.

Ainsi, je me souviens d'une très grosse entreprise française dont un employé s'était tué au volant sur une zone interne à l'entreprise.

Cet employé était ivre et l'affaire à l'époque n'avait pas fait grand bruit car il eût été nécessaire de communiquer à propos des bars clandestins qui avaient pris racine en divers endroits de différents sites de cette même entreprise.

Socialement, c’était trop lourd à gérer. Et je ne vous parle pas de l’image de l’entreprise vis à vis du grand public.

Cette peur vaut-elle autant, cette inquiètide vaut-elle la vie d’une personne ?

Si ce n'est plus que le décès d'un être humain, la question reste posée et elle demeure sans réponse.

Aujourd'hui, la crise sociale et économique est de nouveau là et, renforcée par les conflits entre La Palestine et Israël, et la guerre en Ukraine. Dès lors, force est de constater que les angoisses vont bon train quant à la pérennité de son emploi.

Tout le monde agit de sorte à conserver son poste sachant que pour ce faire, chacun va exiger lui-même d'augmenter ses capacités de travail comme ses résultats.

C'est comme s'il n'y avait plus de limites et, par conséquent, plus de limites au dopage non plus.

En milieu de travail, l'usage de substances psychoactives se banalise autant que le dopage dans le sport, ou le harcèlement sexuel.

Tout le monde le sait, mais quant à gérer ces sujets, cela semble relever de l'omerta de la loi du silence.

Et pourtant, il serait très simple d'agir de façon préventive et non d'attendre des drames.

Dopage des cadres : comment prévenir et gérer le stress ?

Les formations en tout genre ne se suffisent pas à elles-mêmes et persister dans cette voie relève du cautère sur une jambe de bois.

Dans la même veine, la seul réponse juridique est inappropriée. Si cette dernière changeait quelque chose, cela se saurait…

Pour gérer et prévenir les risques sociaux ou psychosociaux en milieu de travail, il convient de penser et concevoir une ou des stratégies d'intervention à court, moyen et long terme.

La première des choses consiste à faire un état des lieux, plus communément dénommé un audit social.

Mieux vaut confier cette tâche à un cabinet extérieur indépendant plutôt que solliciter un cadre en interne, comme c'est souvent le cas, lequel sera souvent sorti d'un placard ou d'une voie de garage.

Une fois cet audit réalisé, c'est à compter de ce moment-là qu'une stratégie sera conçue.

C'est bien volontiers que je conviens que la dimension pédagogique de telles opérations n'est pas très productrice au sens de l'argent, puisqu'elle va coûter en hommes et en argent.

Cependant, une telle démarche va permettre à l'entreprise de donner d'elle une image plus sociale et plus humaine.

Pour illustrer mon propos au sujet des risques addictifs en milieu de travail, du dopage, il conviendra entre autres de créer des campagnes de prévention et de donner les moyens et les outils aux personnes en difficulté de sorte à ce qu'elles sachent qui consulter et quelles sont les différentes méthodes de soins.

Il s'agit donc de faire sortir les intéressés de leur silence contrit, contraint, coupable, qu'ils prennent acte de leur stérilité de leurs comportements et de la nécessité de prendre soin d'elles-mêmes.

En un mot comme en cent, de les aider à reprendre vie.

De telles interventions sont plus souvent considérées comme ingrates dans la mesure où les bénéfices en sont difficilement mesurables.

Mais ne s'agit-il pas d'en cesser avec le déni et l'ignorance feinte en ayant l'honnêteté de reconnaître que devant ou derrière chaque fonction, il y a des femmes et des hommes. Bref, des êtres humains.

Il y a donc des émotions, il y a des vies, et si tout explique le dopage, rien ne peut ni ne doit le justifier.

Autant de réalités auxquelles il convient d'apporter de la considération, de l'empathie, de la reconnaissance, puisqu'il est notoire que c'est en cultivant le silence que l'on enrichit le problème.

Pour étayer cette invitation au changement, permettez-moi de vous rappeler que les remboursements de la sécurité sociale française sont passés de 317 millions d'euros en 1980 à 1 milliard d'euros en 2013, et que, je sache, la population française n'a pas cru dans les mêmes proportions.

Alors, fort de tels chiffres, à toutes celles et ceux chez lesquels le seul mot « argent » revêt un caractère divin, ne pensez-vous pas qu'il est grand temps d'agir pour, si ce n'est mettre un terme définitif au dopage, au moins l'infléchir de façon conséquente ?

Merci de votre attention, à très bientôt.

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Frédéric Arminot